Le redressement judiciaire est une procédure collective qui vise à permettre la restructuration et la pérennisation d’une entreprise en difficulté, tout en assurant le règlement de ses dettes. Dans ce contexte, la question des sûretés accordées aux créanciers revêt une importance particulière, car elle conditionne leur rang dans l’ordre de paiement et peut influer sur l’issue de la procédure. Cet article détaille les différents types de sûretés existantes, leur traitement lors du redressement judiciaire et les précautions à prendre pour préserver au mieux les intérêts des parties concernées.
I. Les différents types de sûretés
Les sûretés sont des garanties accordées aux créanciers afin de sécuriser le remboursement de leurs créances en cas de défaillance du débiteur. Elles se classent en deux grandes catégories : les sûretés réelles et les sûretés personnelles.
A. Les sûretés réelles
Les sûretés réelles portent sur un bien appartenant au débiteur ou à un tiers et confèrent au créancier un droit direct sur ce bien. On distingue principalement :
- Le gage, qui consiste à remettre un bien meuble (corporel ou incorporel) au créancier en garantie du paiement de la dette ;
- L’hypothèque, qui porte sur un bien immeuble et donne au créancier le droit de saisir et faire vendre ce bien en cas de non-paiement ;
- Le nantissement, qui est l’équivalent du gage pour les biens incorporels (fonds de commerce, valeurs mobilières, créances…).
B. Les sûretés personnelles
Les sûretés personnelles reposent sur l’engagement d’un tiers à payer la dette en lieu et place du débiteur principal, si ce dernier fait défaut. On en distingue deux types :
- Le cautionnement, par lequel une personne physique ou morale s’engage à payer la dette du débiteur si celui-ci ne la règle pas lui-même ;
- La garantie autonome, qui est une promesse de paiement irrévocable et inconditionnelle souscrite par une banque ou une société d’assurance en faveur du créancier.
II. Le traitement des sûretés dans le cadre du redressement judiciaire
Lorsqu’une entreprise est placée en redressement judiciaire, les créanciers titulaires de sûretés sont soumis à certaines contraintes visant à préserver l’égalité entre eux et faciliter le sauvetage de l’entreprise.
A. La suspension des actions individuelles
Dès l’ouverture de la procédure collective, il est mis fin aux poursuites individuelles des créanciers et à l’exercice de leurs sûretés, conformément à l’article L. 622-21 du Code de commerce. Cette mesure a pour objectif d’empêcher la course au paiement entre créanciers et de permettre une répartition équitable des sommes disponibles.
B. La déclaration des créances et l’admission au passif
Les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès du mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales). Les créanciers titulaires de sûretés sont invités à mentionner précisément la nature et l’étendue de celles-ci dans leur déclaration.
Après vérification, le juge-commissaire admet les créances au passif du redressement judiciaire, en tenant compte des sûretés attachées à celles-ci. Les créanciers sont alors classés selon un ordre de priorité déterminé par la loi :
- Les créanciers privilégiés (salariés, Trésor public, organismes sociaux…) ;
- Les créanciers titulaires de sûretés réelles spéciales (gage, nantissement…) ;
- Les créanciers chirographaires (sans sûreté) ;
- Les créanciers subordonnés.
C. La réalisation des sûretés
Lorsque le plan de redressement ne permet pas le règlement intégral des dettes, le juge-commissaire peut ordonner la réalisation des sûretés, c’est-à-dire la vente des biens grevés et l’affectation du produit de cette vente au paiement des créanciers concernés, selon leur rang.
Il est important de noter que le créancier titulaire d’une sûreté réelle spéciale bénéficie d’un droit de préférence qui lui permet d’être payé en priorité sur les autres créanciers. Toutefois, ce droit peut être écarté ou limité par certaines dispositions légales, telles que le privilège du Trésor public ou la réserve du droit de rétention.
III. Les précautions à prendre pour préserver les intérêts des créanciers
Dans le cadre d’un redressement judiciaire, il est essentiel pour les créanciers de bien connaître leurs droits et obligations en matière de sûretés afin d’optimiser leur position et minimiser les risques de perte.
A. La constitution et la régularisation des sûretés
Pour être opposables aux tiers et bénéficier pleinement de leurs effets protecteurs, les sûretés doivent répondre à certaines conditions de forme et de fond prévues par la loi (acte authentique, inscription au registre du commerce, mention dans les statuts…). Il convient donc d’être particulièrement vigilant lors de leur constitution et de procéder à leur régularisation en cas d’irrégularités constatées.
B. Le contrôle du respect des engagements du débiteur
Les créanciers doivent également veiller au respect des engagements pris par le débiteur en vertu de la sûreté (remboursement des échéances, entretien du bien grevé, renouvellement des inscriptions…). En cas de manquements, ils peuvent exercer les recours prévus par la loi (demande de résolution du contrat, action en paiement, action en réalisation de la sûreté…) et solliciter l’intervention du juge si nécessaire.
C. La participation active au processus de redressement judiciaire
Enfin, il est recommandé aux créanciers de s’impliquer activement dans la procédure collective en déclarant leurs créances dans les délais impartis, en assistant aux réunions du comité des créanciers et en suivant attentivement l’évolution du plan de redressement. Cette démarche peut leur permettre d’influer sur les décisions prises par le tribunal et d’améliorer leurs chances de recouvrement.
Le traitement des sûretés lors d’un redressement judiciaire est un enjeu majeur pour les créanciers, qui doivent maîtriser les règles applicables et adopter les bonnes pratiques pour préserver leurs intérêts. La prise en compte des spécificités propres à chaque situation et le recours aux conseils d’un avocat spécialisé sont autant d’atouts pour optimiser sa position dans ce contexte complexe et incertain.